L’éclairage des passages piétons en question

août 14, 2020 0 Par Laurent Debrot

Dès la période d’essai d’extinction menée à Fontaines en 2017, le SPCH (Service des Ponts et Chaussées) à rendu attentif la commune sur l’éclairage des passages piétons qui devaient rester allumés toute la nuit. Val-de-Ruz a solicité l’ACN (Association des communes neuchâteloises) pour clarifier la situation.

Le 12 juillet 2018, le SPCH à réitéré sa demande au travers d’un courrier (pdf 500 Ko) rendu public dans un rapport du Grand Conseil.

Le 1er novembre 2018, le groupe PopVertSol déposait une recommandation au Grand Conseil demandant que le Conseil d’Etat laisse les communes libres d’éteindre comme bon leur semblait leur éclairage public. Celle-ci était acceptée par le Grand Conseil le 5 décembre 2018 (voir PV dès la page 1).

Le 21 aout 2019, le Conseil d’Etat y répondait négativement dans son rapport 19.024. Dans lequel un long avis de droit du Professeur Müller affirmait qu’en cas d’accident sur un PPP éteint, les communes propriétaires pourraient être tenues pour responsables, les PPP étant des marquages qui sont sensés donner un maximum de garantie de sécurité aux piétons. Le Professeur Müller, spécialiste du droit des responsabilités et du Code des Obligations, estimait que le simple fait d’évoquer des mesures d’économie d’énergie ne suffirait probablement pas à disculper une commune.

Il est fort regrettable que ce professeur, n’ait pas dit un mot sur le droit de l’environnement.

En effet, l’article 11 de la Loi sur l’environnement qui concerne les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons (yc la lumière visible), indique

  • 1 Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions).
  • 2 Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable.
  • 3 Les émissions seront limitées plus sévèrement s’il appert ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes.

A l’article 12, il est dit que les valeurs limites figurent dans des ordonnances. Or s’il existe des ordonnances pour la plus part des pollutions, le Conseil fédéral a réaffirmé en novembre 2018 qu’il n’y avait pas assez d’études pour définir des valeurs limites pour les émissions lumineuses.

Ainsi donc, c’est la seconde partie de l’article 12 qui peut être appliquer :

  • 2 Les limitations figurent dans des ordonnances ou, pour les cas que celles-ci n’ont pas visés, dans des décisions fondées directement sur la présente loi.

Donc, pour limiter la pollution lumineuse, au nom du principe de précaution (art 11 al3 LPE) à protéger son environnement, une commune peut simplement fonder sa décision sur la LPE (Art 12 al2), Ce que le Professeur Müller a parfaitement ignoré.

Toutefois, le Conseil d’Etat dans sa réponse à la recommandation, indique :

Concrètement, si une commune souhaite malgré tout supprimer l’éclairage nocturne de passages pour piétons, au cas par cas elle peut formuler une demande précise et étayée au canton, en tentant de démontrer que les règles de sécurité et de visibilité demeurent garanties. Sur la base de cette expertise, le canton rendra une décision susceptible de recours.

En passant par la voie juridique, peut-être qu’un tribunal règlera enfin ce problème qui coûte très cher aux communes et prétérite l’environnement. Le tribunal fédéral à déjà traité de la pollution lumineuse, toujours en faveur de l’environnement. Par exemple dans un cas dans le commune de Mohlin (TF 140 II 33).

Aujourd’hui ce qui pollue le plus les décisions sur la pollution lumineuse c’est l’aspect sécuritaire. Nous comptions beaucoup sur le postulat que Fabien Fivaz a déposé au Conseil national a déposé en 2020 pour clarifier la situation: Eclairage public et sécurité routière. Aller au-delà des clichés. Malheureusement il n’a pas été traité en commission dans les délais, toutefois le Conseil fédéral a tout de même donné son avis.

En septembre 2022, le CN Verts NE Fabien Fivaz est revenu avec une question au Conseil fédéral (22.1065) Extinction de l’éclairage publique et passage piéton. Clarifier la situation (pdf). La réponse, en deux mots: c’est de la compétence des cantons et des communes propriétaire des routes. La réponse est regrettable car une position claire du Conseil fédéral aurait permis d’apaiser les communes, toutefois ces portes ouvertes montrent bien que l’aspect sécuritaire n’est pas déterminant.

Également en septembre 2022, la CN du Centre FR Marie-France Roth Pasquier a déposé une question similaire: (22.7803) Comment le Conseil fédéral peut permettre aux communes d’éteindre leur éclairage public sans contrevenir à la loi qui les rend responsables en cas d’accident ? (pdf). Là aussi la réponse du Conseil fédéral est sans ambiguïté: « La question de l’éclairage public de nuit dans les localités n’est pas réglée dans le droit fédéral de la circulation routière, notamment dans l’Ordonnance sur la signalisation routière »

Dans ce débat, il convient de ne pas négliger l’autre aspect de l’éclairage public, celui du faut sentiment de sécurité qu’il peut induire chez l’automobiliste et plus gravement chez le piéton. Ainsi, il n’est pas impossible que l’éclairage des passages piétons entraîne des comportements à risque mettant la vie des usagers en danger. Il est par exemple regrettable qu’une analyse plus pointue à ce sujet n’ait été menée au sujet de l’accident mortel survenu en novembre 2016 aux Emibois (JU), (ArcInfo du 26.3.2019).

 

 

Dans les médias:

  • 26.9.2019, RTS 19h30: L’extinction de l’éclairage public sur les passages piétons fait débat (page et vidéo 2’17)
  • 27.8.2019, Canal Alpha: En croisade contre les passages piétons éclairés (page et vidéo 1’55)